Le temps des quotas
Attention, cet article présente une prise de position politique, mais n’a pas vocation à imposer une quelconque opinion.
L’actualité de la question des quotas
La volonté d’imposer un nombre minimum de femmes dans les instances dirigeantes économiques et politiques est devenue réalité au XXIème siècle, afin de briser des stéréotypes de genres et pallier les inégalités persistantes dans l’accès des hommes et des femmes aux postes de direction, qu’ils soient politiques ou économiques.
Pour préciser, le questionnement autour des quotas est on ne peut plus actuel dans le cas des comités exécutifs des grandes entreprises. Pour preuve, l’année dernière (fin décembre 2019), Bruno Le Maire (Ministre de l’Economie et des Finances) déclarait que, malgré ses réticences premières, il fallait « s’engager en faveur des quotas dans les comex » alors que Marlène Schiappa (à ce moment Secrétaire d’Etat chargée de l’Egalité entre les femmes et les hommes) préparait un projet de loi pour mars 2020 allant en ce sens : créer des quotas dans les comités exécutifs et dans les comités de direction des entreprises.
Une actualité européenne
Depuis, de l’eau a coulé sous les ponts, notamment celle de la crise sanitaire et économique, et le projet de loi n’a pas vu le jour. Mais cela n’empêche pas à la mesure de germer en Europe. En fait, l’Allemagne mène l’initiative avec une loi qui a vue notamment le soutien venir d’une déclaration d’une quarantaine de personnalités féminines allemandes de premier plan - comme par exemple Ursula Von Der Leyen - diffusée sur les réseaux sociaux et à la Une du journal Stern : « Je suis une femme quota » (25 novembre 2020). La loi a été votée le 28 novembre par le Bundestag, elle met en place un quota de femmes pour les postes à responsabilité dans les grandes entreprises.
En outre, la mesure française a peut-être été oubliée - même si elle revient à l’ordre du jour depuis janvier 2021 - parce qu’elle figure dans la version 2020 du code Afep-Medef (janvier 2020). Plus précisément, la septième partie du code exige des conseils d’administration de fixer des objectifs de mixité pour les instances dirigeantes, c’est-à-dire les comités exécutifs, avec des modalités de mise en œuvre et un plan d’action qui rend possible la vérification du travail de la direction par les actionnaires. Au quota imposé par le gouvernement, le patronat a préféré prendre l’initiative de quotas volontaires fixés différemment selon les entreprises. La logique derrière ces quotas « volontaires » est celle d’une réalité déséquilibrée : la proportion de femmes au sein des entreprises est différente d’un secteur à l’autre, il est donc facile pour certaines entreprises de favoriser les femmes afin de répondre à un quota national alors que pour d’autre cela serait une mission quasi-impossible à cause du manque initial de femmes.
Une nécessité empiriquement prouvée
La remarque serait pertinente si elle n’oubliait pas une autre réalité : malgré les avancées législatives de la dernière décennie, sans obligation les entreprises n’ont pas amélioré de manière substantielle la représentation des femmes dans leurs instances dirigeantes. En Allemagne, la loi de 2015 a entraîné une proportion minimale de 30% de femmes dans les conseils de surveillance, d’où le « Je suis une femme quota » des dirigeantes et politiques allemandes qui estiment qu’elles n’auraient jamais pu atteindre leur postes avec de telles responsabilités sans la mesure. Pourtant, du côté des comités exécutifs et de direction, pratiquement rien n’a changé : les femmes se font rares. En France, après la loi Copé-Zimmermann de 2011 qui fixe un quota de 40% de femmes dans les conseils d’administration en 2017, les comités exécutifs restent encore peu inclusifs.
En 2020, les entreprises du DAX30 n’ont que 22% de femmes en moyenne dans leur comité exécutif, contre 21% pour celles de l’IBEX35 et 20% pour celles du CAC40.
Les quotas ne font certes pas l’unanimité, mais il est clair que sans eux la situation n’évolue pas. Ils sont un passage obligé qu’on espère le plus court possible : les quotas ne pourront disparaître qu’une fois l’obtention d’un cadre social où femmes comme hommes ont les mêmes opportunités et chances d’obtenir un poste.
Sources :
Bruno Le Maire et Marlène Schiappa :
Propos d’Ursula Von Der Leyen “Je suis une femme quota” :